La Révélation

7 mars 2014 50 Par opio

Me voilà arrivée à la fin du second trimestre, et… ça va TELLEMENT mieux !

J’ai fini par réussir à me détendre vis à vis de la scolarité de Jo, la preuve, je ne consulte Ecole Directe qu’une fois par semaine, histoire surtout de checker les devoirs à faire d’ailleurs.

Bon évidemment, tout ceci n’a pas été sans mal et j’ai traversé plusieurs étapes plus ou moins douloureusement.

Ca a commencé par une révélation, début janvier : Jo devait rendre un travail commun en arts plastiques avec deux autres élèves de sa classe. Chacune avait sa partie à rédiger, plus une dernière où elles devaient conjointement exprimer leur ressenti sur l’oeuvre étudiée, et Jo était chargée de la mise en page finale. Bien entendu, je l’ai aidée à mettre en page, j’ai corrigé les fautes d’orthographe, mais j’ai laissé tels quels les écrits des 3 demoiselles, avec leur maladresse mais aussi toute leur sincérité. Et j’ai envoyé pour relecture avant impression aux deux autres.

J’ai reçu dans la soirée, un mail de la mère de l’une d’elle, qui me remerciait et m’informait qu’elle s’était permise de faire quelques modifications. J’ai adoré le « quelques » ! Elle avait TOUT réécrit, avec des tournures de phrases hyper alambiquées que jamais des gamines de 12 ans n’auraient employées d’elles mêmes. Les nerfs. Jo était scandalisée, mais je lui ai expliqué que je n’avais pas envie de me prendre la tête avec cette dame que je ne connaissais pas et que la prochaine fois, elle n’avait qu’à choisir une autre copine pour un devoir commun, (je suis tellement lâche). J’ai attendu le retour du devoir impatiemment, persuadée que la prof allait soit donner une note à peine correcte pour pénaliser cette interférence ou au moins faire une remarque sur le fait que les devoirs maison n’avaient pas à être fait par les parents. 

Elles ont eu 18.

Là j’ai commencé à me dire qu’il y avait comme un décalage entre ma façon d’accompagner Jo, et ce qu’attendait ce collège. Et que ma pauvre louloute au milieu, elle n’y était pas pour grand chose.

A peu près au même moment, j’ai eu une discussion avec une amie qui m’a également fait tilt.

En 5ème cette année, tous les collégiens ou presque doivent étudier un roman de chevalerie, « Yvain ou le chevalier au lion », écrit en 1176, en octosyllabes. Autant vous dire que quand Jo me l’a fait acheter et que j’ai feuilleté 3/4 pages histoire de voir, je lui ai rendu fissa en lui souhaitant bon courage, parce qu’honnêtement : c’est imbitable. Y a qu’à taper dans Google la requête « résumé de Yvain ou le chevalier au lion » pour tomber sur des dizaines d’appels au secours de ce genre :

« Je suis nul en français et je n’ai rien compris même après 2 lecture et plusieurs résumé sur internet. Et je me demandais si l’un d’entre vous pouvez me fair eun résumé s’il vous plait je vous en supplie ».

Je me suis assurée tous les soirs que Jo avançait dans sa lecture, en suivant la progression lente, très lente, de son marque page.

Et justement, mon amie de tout à l’heure, pestait contre ce bouquin, qu’elle avait du lire en entier pour en faire un résumé compréhensible à son fils, afin de lui permettre de répondre aux questions de sa prof de français. Et j’ai trouvé ça scandaleux (oui on a le scandale facile chez nous). Bah oui, si tous les parents font ça et que tous les élèves rendent des questionnaires limpides mais à partir d’un résumé fait par quelqu’un d’autre, ça sert ça rien niveau compréhension de texte ! et ceux qui auront fait seuls en comprenant une phrase sur trois du bouquin se retrouveront pénalisés blablabla. J’étais remontée comme une balle.

Arrive le soir où Jo doit à son tour rendre une fiche sur ce même bouquin. En temps normal je me serais assurée qu’elle avait fait son travail sans trop rentrer dans les détails, d’ailleurs quand je lui ai demandé si elle avait répondu aux questions, elle m’a montré sa feuille (noirçie) de loin et j’aurais pu m’en contenter, sauf que là, j’étais vraiment curieuse de savoir ce qu’elle avait compris de ces foutues octosyllabes.

Je suis tombée de haut. Environ 3 fois la Tour Eiffel même.

yvain

Et tout le reste à l’avenant.

Là je me suis dit : mais QUELLE CONNE ! tu vas devoir te taper ce putain de bouquin de merde dans la soirée maintenant avec tes principes à la con ! (j’ai même hésité deux secondes à appeler ma copine à l’aide pour qu’elle nous le fasse au téléphone son résumé, mais j’ai quand même pas osé)

Et non, je n’ai pas lu le roman, j’ai râlé comme un putois toute la soirée en essayant de bidouiller des réponses un peu moins foutage de gueule mais qui n’ont que contribué à faire chuter un peu plus la moyenne de Jo…

Et puis il y a eu cet article, apparu dans mon fil Facebook, qui a achevé de m’ouvrir les yeux. Il parle des ravages que font les «parents hélicoptères» sur leurs enfants une fois devenus des adultes incapables de gérer la frustration et l’échec.

Mais c’est quoi au juste, un parent hélicoptère ? Olivier Revol, neuropsy et pédopsy les décrit comme ça : « Au Canada, on a une expression pour dénommer ces nouveaux parents. On les appelle les «parents hélicoptères». Ils donnent à leurs adolescents l’illusion de l’autonomie dont ces derniers sont très demandeurs. Mais dès que ça ne va pas, à l’école ou ailleurs, ils volent à leur secours. Ces parents, continuellement en train de planer au-dessus d’eux, ont voulu leur donner tout ce qui leur a manqué. »

Je me suis dit que le collège de Jo, ben c’était un héliport en fait.

Et que je ne voulais pas devenir un awax. Que tous ces mômes avec 18 de moyenne générale, ils étaient sûrement très bons à la base, mais qu’il y avait aussi sans aucun doute beaucoup de parents qui faisaient les devoirs à la maison ou les exposés à leur place en les aidant beaucoup beaucoup beaucoup, et que moi, vraiment, c’était pas ma façon de voir les choses. Bien sûr que je suis là pour l’aider, mais si elle ne rend pas des copies parfaites, c’est pas grave. 

Et ça, ben ça se paie : en mauvaises notes et en bulletin assassin. Peut être que je me plante, sans aucun doute je n’aurais jamais du inscrire Jo dans ce collège, ça c’est certain, mais à l’époque, je n’aurais jamais imaginé qu’elle ne rentrerait pas dans le moule, et depuis elle refuse catégoriquement d’en changer. Alors on s’adapte, et j’ai décidé de laisser sa place à l’échec. Et Jo va tellement mieux elle aussi, depuis qu’elle me sent l’encourager à ses côtés, et non plus l’attendre avec une tonne de stress et d’angoisse après chaque contrôle.

Je n’accuse pas ce collège de tous nos maux, d’ailleurs sa soeur ira dans le même parce que je suis persuadée que ce système lui conviendra parfaitement. C’est juste que je voulais desespérement que Jo ait les mêmes résultats que les autres, sans lui en fournir les moyens. Maintenant j’ai compris qu’elle n’aurait jamais les mêmes résultats, et que ça irait très bien aussi.

Enfin ça, c’est jusqu’à ce qu’ils refusent de la réinscrire l’année suivante, on en reparle dans quelques mois peut être hinhin…

En attendant, c’est chouette de la voir avec un sourire sur la figure : ) (bon ok, elle vient aussi de faire un stage de gestion mentale qui lui a boosté sa confiance en elle mais je suis certaine que mon récent détachement y est aussi pour quelque chose, na !)

helicoptère